[hrp : RP en one-shot, je ne répondrais plus. Si Darien veut faire sa propre version, en revanche, je ne suis pas contre.]
Elle court. Exit les talons hauts, de toute manière, ils lui sont plus utiles dans sa main qu'à ses pieds. Ses bas sont déchirés, le pavé résonne dans tout son être à chaque pas.
De toute manière, c'était évident que ça finirait comme ça. C'était même un cliché. Elle était immigrée en quête de vie meilleure, et la ville l'avait remise à sa place. Son seul regret, c'était de laisser Lumi. Sa fille. Son bébé. Mais elle était à l'abri, elle ne craindrait rien. Elle serait choyée, là ou elle était maintenant, c'était une certitude. Sans doute plus que ces derniers mois, qui avaient été difficile pour la petite fille aussi, malgré les privations de sa mère. Elle en avait été réduite à parcourir la rue. Il lui avait fallu beaucoup de temps avant d’accepter de vendre son corps. Mais elle n’avait plus rien, plus d’argent, pas de travail. Et pour sa fille, elle devait garder l’appartement. Alors elle confiait l’enfant à la gardienne, contre quelques pièces, ou bien à Anton, parfois. Et elle descendait dans la rue, attendant qu’une voiture l’accoste et qu’on lui fasse une proposition. Elle avait eu du mal, elle en avait toujours, d’ailleurs. Elle ne s’était jamais donnée pour l’argent. On fait tous des choses qu’on pensait ne jamais avoir à faire, pour protéger ceux qu’on aime. On tue, on vole, on ment. Elle se prostituait.
Elle tourne dans une rue quelconque, priant pour que ça ne soit pas une impasse. Pourquoi courir ? De toute façon, elle sait que c’est fini. Qu’elle n’a aucune chance. Personne ne bougera un doigt pour l’aider, personne ne se mouillerait pour une vulgaire pute. Elle remarque qu’elle pleure.
Elle avait vu l’ombre pour la première fois il y a une semaine, peut-être. Un jour de pluie à errer en mini-jupe dans les rues sombres, attendant un client. Elle avait remarqué un mouvement dans un coin d’ombre. Sentit un regard sur elle. Un frisson l’avait parcouru, et la gorge nouée par une peur irrépressible, elle était rentrée. Ce soir-là, elle avait pleuré sans savoir pourquoi, et couvert sa fille de baiser. Elle avait pensé retourner à Helsinki, rentrer chez elle. Mais elle n'avait même plus d'argent pour l'avion. Plus rien, rien que ça fille et cet appartement miteux qui se vidait chaque jour un peu plus de ses babioles inutiles, faisant la richesse d'un prêteur sur gage. Cet appartement désormais nu et froid, ou elle dormait sur quelques coussins, couverte d'une couverture, puisque le canapé lit avait été revendu. Plus de table non plus, plus de chaises, rien qu'une caisse retournée. Plus de cadres sur les murs, plus d'étagères, plus de livres. Il n'y avait que le lit de Lumi, dont le blanc lumineux égayait encore la pièce malgré tout. Elle s'était juré d'économiser pour acheter un billet d'avion, et de repartir vers la ville qui les avaient vu naître, sa fille et elle. Mais l'ombre dans la rue était revenue. Le jour suivant et celui d'après encore. L'intuition lui avait soufflé que ce n'était pas une ombre bienveillante, pas un ange gardien. Alors, doucement, elle avait accepté son destin.
Elle bifurque une nouvelle fois, les larmes brouillant sa vue. Ce n'était pas comme ça qu'elle aurait voulu mourir. Pas maintenant, surtout. Pas sans avoir vu sa fille grandir. Elle trébuche une fois, se tord la cheville sur les pavés mouillé et tombe au sol. L'ombre est là, quelque part. Tout près. Ses bruits de pas, calmes et lents.
Elle s'était souvenue de ce qu'Anton lui avait dit. Anton, son rayon de soleil, comme elle l'appelait en douce. Anton, ce poète si à côté de la réalité, qu'elle l'avait adoré. Un homme bon, un peu bizarre et très maladroit, mais profondément gentil. Elle ne savait plus quand ni pourquoi il lui avait parlé d'Adam Kane et Jennifer Lawson. Elle avait juste noté ces noms et leurs histoire dans un coin de son cerveau. Et elle s'en était rappelé. Ils étaient heureux depuis bien des années, mais ne pouvaient avoir d'enfants. On aurait dit le début d'un conte de fée. Elle serait la bonne fée qui leur en apporterait un. Une. Lumi. La petite fille serait plus heureuse dans un appartement chaud, avec un couple débordant d'amour. C'était plus prudent. Et même si elle survivait encore une semaine, ce n'était pas avec ses maigres recettes qu'elle parviendrait à les faire manger toutes les deux. L'une d'entre elle devrait se priver, et elle n'avait plus la force de se lever le ventre vide, ou presque, comme elle le faisait depuis des jours et des jours. Mais tant que l'argent de rentrait pas, impossible de faire un bon repas. Et qui voudrait payer pour une conquète émaciée, presque squelettique, avec de larges cernes sous les yeux? Les hommes cherchaient la beauté, ou encore des formes appétissantes. Elle pouvait comprendre qu'il ne veuillent pas d'elle.
Les bruits de pas se rapprochent. Doucement. Et elle, reste sur le pavé, sa cheville douloureuse l'élançant, sanglotant sans pouvoir se retenir. Elle voudrait se relever et fuir, mais peut-on fuir toute sa vie?
Elle s'était attablée devant une feuille et avait écrit, un long moment, froissant et recommençant. Puis elle avait habillé sa toute petite chaudement, l'avait posée dans son berceau, bordée d'une couverture. Les grands yeux gris de la petite l'avaient longuement regardé, sans toutefois qu'elle ne dise rien, comme si elle n'avait pas voulu faire souffrir plus sa maman. Enfin, elle s'était aventurée dans l'atmosphère humide de ce début mars pour rejoindre l'immeuble ou habitait le couple. Ils allaient bientôt avoir une surprise. Elle avait donné un dernier baiser à la chair de sa chair, laissant les larmes couler, et puis était partie, se forçant à ne pas se retourner, pour s'enfoncer dans les ruelles sombres de la ville.
Elle n'a plus la force de courir, plus la force de se débattre. C'est la fin, la fin de toute chose, des espoirs qu'elle avait en venant à Hegemony, de la haine qu'elle avait pu nourrir contre ses parents, de l'amitié qu'elle avait pour Anton. La fin de l'angoisse de quitter la maison chaque soir sans savoir si elle reviendrait. La fin de la faim qui lui tiraillait l'estomac depuis plus de deux semaines. Les pas sont presque devant elle, et elle ne veut même pas relever le regard. C'est la fin de tout, sauf de l'amour qu'elle a pour sa fille. Elle a juste le temps de voir l'uniforme rouge sang avant de sentir la douleur dans son ventre.
Quelque part dans dans les quartiers pauvres, dans un immeuble quelconque, une petite fille se met à hurler. Ce ne sont pas des pleurs de faim, ni de fatigue. Elle sait. Elle ne peut pas le comprendre, mais elle sait, quelque part dans son coeur, que sa maman ne reviendra plus. Cette mère qui peut-être aura fui sa mémoire dans quelques années. Lumi hurle de toute la force de ses petits poumons, et la lettre posée sur ses pieds tombe devant son berceau, dépliée. On peut lire d'une écriture serrée et assez maladroite, quelques tâches d'eau ayant fait baver un peu l'encre:
" Monsieur Kane, Mademoiselle Lawson,
Je m'appelle Siiri Liv Nevalainen. Dois-je déjà parler au passé, je l'ignore encore.
Je m'excuse par avance de ce que j'ai été obligée de faire. Vous me trouverez sans doute monstrueuse, d'avoir osé abandonné mon enfant devant votre porte. Ne me jugez pas, je vous en supplie. Je ne suis plus en sécurité.
J'ai appris que vous aviez toujours voulu un enfant. J'ose ainsi espérer que vous pourrez chérir Lumi, même si elle n'est pas de votre sang. Elle est née le 1décembre de l'année passée, et je préfère vous la confier, plutôt que de l'abandonner dans une ville qui ne veux pas d'elle, une ville qui n'a pas voulu de moi.Je regrette de n'avoir pu la voir grandir. Chérissez-la à ma place, je vous en supplie. Donnez-lui tout l'amour qu'elle mérite.
J'espère que vous excuserez mes mots bien maladroits.
Embrassez-la une dernière fois pour moi. Juste une dernière fois.
Très sincèrement,
Siiri Liv."