Il était designer pour le fric. Pour le fric, mais aussi parce qu'il adorait ça, créer des vêtements qui sublimaient n'importe qui. Ou presque, fallait pas déconner. Il associait folie et extravagance pour habiller les dames de l'Empire. Enfin, surtout les demoiselles. Surtout Violet Livingstone. Il vouait un culte à cette gamine, elle était incroyable. Ils se ressemblaient tellement qu'ils auraient pu être père et fille... Tous deux têtus, dissimulateur, cynique à souhait : ils étaient fait pour s'entendre. De fait, la petite ne jurait que par lui : il était son homme de compagnie, son designer, son confident, sa cible préférée. Elle était la fille qu'il n'avait pas eu, et était persuadé de bien mieux la comprendre que son Impératrice de tante. Mais que dire, la vie d'une femme de pouvoir est difficile, et Amaury comprenait tout à fait que Joane ait d'autres choses à penser. Après tout, la Cible rôdait toujours, et il fallait maintenir l'Empire d'une main de fer. Dur labeur que compensait quelques instant de douceur... Amaury sourit à cette pensée, ces quelques nuits passée en compagnie de l'Impératrice. Pas d'amour, pas de sexe, il était juste son calmant, celui qui la faisait penser à autre chose, avec douceur et volupté.
Le Français se faisait passer pour gay. Dans le métier, c'était plus simple, et il n'aimait pas tellement que des nanas lui tournent autour. C'était si simple de tromper son monde! Un air efféminé, quelques manières, un accent frenchie qui faisait fureur lorsqu'il parlait anglais, et le voilà devenu l'égérie de toute la ville. Ses créations étaient partout, de tous les défilés, sur les panneaux de pub géant, au cinéma. Il apparaissait sur les plateaux de télés, on lui demandait d'être juge pour des sélections de télé réalités, des concours de beauté... Et Amaury adorait ça, être le centre de l'attention.
Il se rendait aux étages du gouvernement. Isa rentrait aujourd'hui, et il ne voulait pas rater son arrivée... Surtout pas son retour de voyage de noce, il fallait absolument qu'il la taquine sur le sujet. Ces deux-là parlaient français en dépit du bon sens, se comprenaient bien et se cherchaient sans arrêt. elle maintenant, voilà qu'elle était mariée, leur petit jeu s'arrêterait sans doute... Tant pis, ils resteraient bon amis, c'était certain.
Ce fut elle qui le trouva, et faillit le surprendre en quémandant un bisou de fête. Oh... Le designer se retourna et, après un clin d'oeil, lui fit un baiser sur la joue, juste au coin des lèvres. Comme toujours. Il montrait son intérêt sans outrepasser la bienséance. Miss Svensson, ou plutôt, Mrs Gordon, l'entraîna dans son bureau, lui demandant les dernières nouvelles. Oh, rien, un caprice de Violet, qui finirait par avoir un éléphant dans le jardin, des ragots concernant le ministre de l'Information et la ministre de la Défense, rien de bien croustillant. Il s'assit nonchalemment dans le fauteuil, la regardant avec son petit sourire en coin :
- Tu passes quand tu veux à l'atelier, chérie. J'ai quelque chose qui mettrait ton joli teint bronzé en valeur... je ne voudrais pas louper mon cadeau.
Ah, si seulement elle avait fait mannequin! Isa était parfaite pour les podium, elle ferait des ravages, mais elle préférait rester dans son bureau... et se contenter de jouer avec lui. Il jeta un oeil sur le petit paquet cadeau sur la table. Sans doute pour l'anniversaire de leur rencontre. Et lui qui n'avait rien préparé... Oh il improviserait. Les jambes croisées, les bras sur les accoudoirs, il la regardait comme un prince.
- Alors, donne-moi des nouvelle de ma chère France.