Siiri Liv descendit de l'avion en serrant Lumi contre elle. Ce fut avec un frisson d'émotion qu'elle posa le pied sur le sol d'Hegemony, la ville de tous les possibles, de toutes les libertés. La ville pour laquelle elle avait tout quitté, sa vie, son enfance, sa famille... De toute manières, Siiri n'avait plus de famille. Plus personne, à part son bébé, qui l'accompagnait dans cette aventure. Tant qu'elle était là, la finlandaise savait que tout irait bien. Pour Lumi, elle devait être forte et tout recommencer, pour que la petite grandisse dans un foyer. Sans père, certes, mais avec une mère aimante. Siiri était jeune, elle savait qu'elle pouvait tout supporter, qu'elle parviendrait à s'en sortir. La jeune femme récupéra ses bagages : une valise remplie de vêtements et des rares effets personnels qu'elle avait emportés, et un sac contenant les affaires du bébé. Besoin de rien d'autre pour partir de zéro. Elle avait un peu de liquide, et suffisamment d'argent sur son compte pour louer, voir acheter un appartement pas trop couteux. Elle y arriverait. Enfin ce soir, ça serait sans doute l'hôtel : il n'était peut-être que 9h à Hegemony, mais trouver un chez soi en dix heures, cela relèverait du miracle. Enfin, elle commencerait à chercher aujourd'hui, tout de même, autant mettre toutes les chances de son côté.
Siiri déposa un baiser sur le front de sa fille qui regardait le monde autour d'elle avec un air interessé. Dans l'avion, son voisin avait tenté de faire la discussion. En commençant sur le bébé, il s'était dit qu'il aurait une chance.
- Quel beau bébé! C'est votre fille?
- Oui.
Il s'était heurté à un mur de méfiance. Mademoiselle Nevalainen ne parlait pas aux inconnus, encore moins de son enfant. L'homme a tenté une autre approche :
- Alors, vous vous rendez aussi à Hegemony? Moi, j'y vais pour affaire, je viens pour une alliance entre mon entreprise et une compagnie électrique là-bas. Je suis cadre, voyez-vous, avait-il dit en se rengorgeant. Et vous? Vous allez rejoindre le papa qui est parti avant pour trouver une maison, je suppose?
Hahaha. Très drôle. Il supposait que Lumi et Siiri avaient un homme aimant qui les attendait dans une maison douillette. Il se fourrait le doigt dans l'oeil jusqu'au coude, mais ça, il l'ignorait. La jeune femme se contenta de sourire, et se tourna vers le hublot, coupant court à la discussion. Non. Elles n'avaient personne et devraient se débrouiller toutes seules. Mais qu'importe, elle était libre. Parfois, Siiri Liv se demandait ce qui se serait passé si Lukas avait accepté sa paternité (enfin, si elle l'avait mis au courant, tout d'abord). Peut-être qu'ils vivraient ensemble, et que Lumi aurait une vraie famille... Mais cela aurait été synonyme d'emprisonnement pour sa mère, puisqu'elle n'avait aucun sentiment pour le jeune homme. Et ils étaient si près de la famille Nevalainen que ça en devenait étouffant. Et puis, protesta mentalement Siiri, Lumi avait une vraie famille! uniparental, mais pas moins équilibrée!
Elle déposa sa valise dans une consigne : autant voyager léger, si elle devait parcourir la ville à la recherche d'un logement et qui sait, d'un emploi! Puis les deux exilées prirent la navette qui les conduisit au centre de la capitale. Elle fut émerveillée par la beauté de l'endroit, vivant, clair, et qui paraissait abriter tant de joie! Confiante, elle acheta un journal, et parti s'installer dans un petit café, ou elle commanda un expresso afin de bien commencer la journée. Après une heure passée à entourer au stylo rouge les diverses annonces de logement à vendre ou a louer (une dizaine correspondaient à ses prix), les finlandaises quittèrent l'endroit. Une longue journée commençait.